Artiste talentueux et innovateur, Jacques-Émile Ruhlmann se retrouva aux premiers rangs des acteurs de l’Art Déco
Après l’annexion de l’Alsace en 1870, François-Jacques Ruhlmann de Marmoutier, opte pour la France et s’installe à Paris le 7 mai 1872. Peintre de métier il y fonde une entreprise de peinture en bâtiment au 6 rue Saint-Honoré. Le 28 août 1879 naît son fils Jacques-Émile. Celui-ci passe une partie de sa jeunesse à apprendre les rouages du commerce dans l’entreprise familiale de peinture, de papier peint et de miroiterie. Il la rejoint après un apprentissage chez un confrère de son père. Au décès de celui-ci en 1907, âgé de vingt sept ans, il en prend la direction et, la même année, épouse une anglaise, Marguerite Seabrock. Autodidacte, Jacques-Émile Ruhlmann se met à dessiner les meubles pour son propre appartement et quelques amis. Ce don caché, d’abord un plaisir, devint très vite une passion. Participant régulièrement à différents salons des arts décoratifs, il expose non seulement ses papiers peints, mais aussi ses créations de mobilier et d’aménagements d’intérieurs. N’ayant jamais pratiqué l’ébénisterie, Ruhlmann se concentre sur le dessin de ses modèles et en suit personnellement l’élaboration et la fabrication. En 1915 il fonde les établissements Ruhlmann & Laurent avec un ami Pierre Laurent, puis achète un bâtiment à vocation industrielle, 14 rue d’Ouessant à Paris. Il y transfère toutes les activités de son entreprise et en 1923 ouvre un atelier d’ébénisterie dans les mêmes locaux. Il emploiera jusqu’à quatre cents personnes.
Jacques-ÉmileRuhlmann s’illustre en réalisant des meubles somptueux pour une clientèle française et internationale très aisée : industriels, hommes politiques et personnages de la haute société. Ses créations sont numérotées, estampillées et cataloguées, un certificat d’origine accompagne chaque pièce vendue. Pour son mobilier de luxe, Jacques-Émile s’inspire des plus belles productions du XVIIIe siècle. L’utilisation de matériaux nobles est la caractéristique majeure de son œuvre : ébène de Macassar, acajou de Cuba, palissandre des Indes, amarante, bois de rose et de violette, loupe de noyer et d’amboine, ivoire, argent bronze et cuivre. Il conçoit et aménage des décors pour le palais de l’Élysée, l’Assemblée nationale, des ministères, des mairies parisiennes, l’exposition coloniale de 1931, le paquebot Île-de-France, le Metropolitan Museum of Art à New York, etc. Ses créations reçoivent souvent les noms de leurs commanditaires. Parmi eux on retiendra le maharadjah d’Indore, le fabricant de soierie Rodier, l’orfèvre Puiforcat, l’écrivain Colette, les banquiers Rothschild, les couturiers Doucet et Cabanel, les architectes Boileau et Patout. En 1926 il est nommé chevalier de la Légion d’Honneur puis promu officier dans le même ordre en 1933.
Jacques-Émile Ruhlmann décède à 54 ans le 15 novembre 1933 à Paris, en pleine gloire, mais sans descendance. Selon sa volonté, l’entreprise disparaît à sa mort, il ne souhaitait pas qu’elle continue sous un autre nom.