Tout au long de son existence, l'entreprise familiale "Tricotage mécanique de Marmoutier" fut le principal employeur de la ville
A la fin du premier conflit mondial les frères, Henri et Paul Liebschutz, créèrent un atelier de bonneterie, laine, tricot, crochet et nouveautés à Strasbourg, rue de Marbach. L’entreprise prit le nom de "Fabrique de bonneterie Paul Liebschutz". Après le traumatisme de la Grande Guerre la reconstruction du pays s’accompagnait d’un essor industriel qui engendra une croissance vigoureuse. La demande de produits manufacturés augmentait considérablement et ceux des frères Liebschutz connurent très vite un grand succès commercial. Henri se lança dans une nouvelle aventure : construire une usine capable de répondre à cette demande sans cesse croissante. Il porta son choix sur Marmoutier et, en 1921, y fit bâtir une nouvelle unité de fabrication, sous la dénomination : "Tricotage mécanique de Marmoutier", ci-dessous.
En 1920 Henri épousa Marcelle Weill. De cette union naquirent deux fils : Paul en 1921 et Serge en 1924. Paul, destiné à prendre la succession de l’entreprise, se forma alternativement dans celle de son père ainsi que chez des confrères industriels. Serge, après des études classiques de psychiatrie, devint chef de clinique à l’hôpital parisien de la Salpêtrière.
L’usine de Marmoutier ne fabriquait alors que des sous-vêtements pour hommes, femmes et enfants. Henri Liebschutz ne souhaitait commercialiser que des produits de très bonne qualité, critère indispensable à cette époque, économiquement très difficile. Positionnée dans ce créneau, la marque se forgea très vite une réputation d’excellence, notoriété qu’elle conserva durant toute son existence. Évidemment ce positionnement très ambitieux impliquait des machines modernes et performantes, ainsi que du personnel qualifié et compétent. Au milieu des années 1920 l'entreprise employait déjà environ 150 personnes (ci-dessous). Malgré cette main d’œuvre importante, la production n’arrivait plus à suivre la demande. Il fallut faire appel à des emplois à domicile pour tricoter à la main des éléments de la collection. C’est ainsi que dans de nombreux villages éloignés, principalement à Graufthal et Petersbach, furent ouverts des dépôts centralisateurs où on livrait régulièrement des écheveaux de laine destinés aux tricoteuses. Ensuite on rapatriait à Marmoutier les pièces élaborées pour l’assemblage. Ce processus de fabrication externalisée fut progressivement arrêté après la seconde guerre mondiale.
La guerre de 1939-45 fut une période noire pour la famille et l’entreprise Liebschutz. La vague d’antisémitisme naissante en Europe et la signature des accords de Munich le 30 septembre 1938 suscitèrent une profonde inquiétude dans la population juive. Henri et les siens fuirent l’Alsace pour s’installer à Saint-Germain-en-Laye. L'usine de Marmoutier fut mise sous séquestre par l’administration nazie et un ancien cadre de l’entreprise chargé de la diriger et de produire des sous-vêtements destinés à l’armée allemande. Celui-ci conserva de bons rapports avec son ancien patron, le tenant au courant de la situation par courrier. L’outil de travail n’a pas été spolié et lorsque les propriétaires retrouvèrent leurs biens en 1945, ils purent immédiatement y reprendre la production. Sentant Paul prêt à prendre la relève, Henri lui confia son entreprise, "Tricotage mécanique de Marmoutier", puis se retira progressivement des affaires. Il mourut en février 1974.
Paul, qui avait opté pour le nom de Leclaire à la fin de la guerre, perpétua le savoir-faire enseigné par son père. En y apportant sa touche de modernité et d’innovation il fit de l’entreprise l’une des meilleures dans son domaine. Avec une qualité irréprochable et le label Made in France, Swiss Maille devint une marque de réputation internationale. Malheureusement Paul décéda subitement en septembre 1986. Son fils Alain, ingénieur textile diplômé de l’ENSAIT de Roubaix, prit sa succession. Pour affronter le défi de la concurrence et de l’importation, il réorienta la marque vers des produits plutôt haut de gamme. La direction du style fut assurée par des créatrices italiennes chargées d’élaborer les silhouettes et de créer des jeux de mailles. Mais le mauvais sort s’acharna une nouvelle fois sur la firme en emportant prématurément Alain Leclaire en août 1994, âgé de 43 ans, à peine huit ans après son père. Faute de successeur, l’entreprise, très florissante, fut vendue peu de temps après.
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