La corporation locale

Au début du XVIsiècle, quelques artisans de Marmoutier se regroupèrent en corporation.

Après la reconstruction du monastère de Marmoutier, en 824, les abbés mirent en place une loi n’autorisant qu’aux artisans locaux de travailler à l’intérieur de la Marche et que pour le compte de l’abbaye. À partir du XIIsiècle des serfs réussissant à s’affranchir de leurs seigneurs apprirent des métiers et s’installèrent dans la cité bénédictine. Chaque métier s’organisa et désigna un responsable dans ses rangs. Ainsi naquirent les corporations.

Le plus ancien texte faisant état de la création d’une corporation des maçons et charpentiers de Marmoutier, remonte au début du XVIe siècle. Mais la guerre de trente ans a failli mettre fin à cette association par la mort de la plupart de ses maîtres. L’inévitable abandon des règles, conséquence du manque d’autorité, provoqua la désunion de ses membres et de nouveaux arrivants s’installèrent dans la commune. Ils exercèrent des métiers qu’ils ne connaissaient ou ne maîtrisaient pas, au mépris du règlement de la corporation et se dispensèrent de payer les redevances dues à la seigneurie. Les quelques anciens maîtres maçons et charpentiers encore en activité dénoncèrent ces abus à l’abbé Jean Oertel qui leur apporta son soutien. C’est ainsi que le 16 juillet 1649, à peine un an après la fin de la guerre, fut ratifié le nouveau règlement de la corporation de maçons, tailleurs de pierre et charpentiers. Quelques extraits de ce règlement témoignent d'une certaine forme d'esprit cartésien et humaniste de nos aïeux : 

-  Le premier article stipule que les métiers ne peuvent être exécutés que par des mains expertes. Ne travaillent donc à Marmoutier que les titulaires d’un brevet de maîtrise.

-  Si un maître-artisan étranger souhaite s’y installer il doit adhérer à la corporation et s’acquitter au préalable d’un droit de six Gulden. Il est interdit d’embaucher un compagnon si celui-ci ne détient pas le brevet de compagnon.

-  L’apprenti touche un salaire annuel de trois Gulden et à la fin de sa période il reçoit un brevet d’apprentissage et un certificat de départ.

-  Un nouvel apprenti ne peut être embauché que si le précédent a accompli une période de six mois.

-  Un code de bons usages entre les maîtres précise que si l’un d’eux a conclu un marché avec un bourgeois, aucun autre ne peut faire une offre concurrente, sauf si le premier devait manquer à ses engagements ou délais.

-  En cas de plainte pour malfaçons, le maître responsable du métier en question, Zunftmeister, se rend sur place pour une expertise. S’il constate des anomalies, l’artisan doit immédiatement refaire le travail conformément aux usages de la profession à ses frais, ou en cas d’incapacité, le faire refaire par un autre qu’il payera. Le jugement est sans appel.

-  Il est interdit de débaucher un ouvrier ou un compagnon d’un confrère.

-  Les débordements de langages sont proscrits. Celui qui prononcera les mots de : Dieb, Schelmen, Lumpen, Bärenhäuter, Hundsfott, voleur, coquin, fripouille, montreur d’ours, salopard, sera sanctionné.

-  Les charpentiers qui abattent inutilement des arbres, sont sanctionnés.

-  Les maçons ne peuvent pas accepter de la nourriture de leurs employeurs le dimanche.

-  À la Pentecôte chaque métier élit son maître durant une assemblée qui se tiend à l’auberge Zum weißen Kreuz. Tous les maîtres doivent s’y présenter avec leurs outils respectifs, les maçons avec leur bâtons gradués, Zollstock, et leurs équerres, les charpentiers avec leurs équerres.

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La corporation ne cessa de croître, de quatre maîtres en 1649 elle en compte environ cent vers 1754. Les menuisiers l’ont également rejointe et figurent dans le nouveau règlement. Celui-ci restera en  vigueur jusqu’à la Révolution française.

Le musée de Marmoutier conserve quelques vestiges de cette époque : à gauche, un registe des délibérations de la corporation, commencé en 1713, Zūnfft Prothocoll der vereinbahrten Zimmer-Maūrer-Steinhaūer- und Schreiner-Handwerckhern et leur emblème de métier (1763).

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L’Assemblée Nationale met fin aux corporations le 16 février 1791. Dorénavant chaque citoyen peut exercer librement le métier de son choix à la seule condition d’une déclaration préalable à la municipalité.

Cette disparition entraîna un tel désordre dans les rangs des artisans de tous les métiers qu’à peine un demi siècle plus tard, ils décidèrent unanimement de ressusciter leur ancienne organisation. Les nouveaux statuts seront rédigés le 4 juillet 1869. Pour la partie professionnelle ceux-ci s’appuient sur la réglementation légale en vigueur mais ils s’attachent plus à l’aspect social de ses membres : entraide mutuelle en cas de maladie, accident ou décès. Une sorte d’assurance maladie privée prémonitoire. De l’ancienne corporation de maçons, tailleurs de pierres, menuisiers et charpentiers, seul le caractère spirituel sera conservé ; saint Pierre en est le patron. Chaque trimestre on dira une messe pour la protection de ses membres. Une garde d’honneur ouvrira la procession de la Fête-Dieu ainsi que le cortège funèbre à l’enterrement de l’un de ses membres. Ora et labora, prie et travaille : cette devise bénédictine devient également celle de la Zunft. La Zunft de Marmoutier cessa d’exister en 1955, date du paiement de la dernière cotisation.

Ci-dessous, les derniers maîtres de la corporation des artisans de Marmoutier, arborant leurs décorations, lors de la procession de la Fête-Dieu en 1936. Leur drapeau qui date de 1884 est exposé au musée.

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